C'est vendredi, c'est permis. Comme beaucoup (trop) de monde, je reçois pas mal d'e-mails contenant des pièces jointes malveillantes. Ces derniers temps, la tendance est aux ransomwares. Après tout, pas besoin de dépenser des fortunes dans des exploits touchant la dernière version du navigateur ou du client mail de l'utilisateur, quand on peut compter sur sa coopération lorsqu'il s'agira de lui demander d'ouvrir un document, et ensuite de payer pour récupérer (ou pas) l'accès à ses fichiers.
Alors le document du jour a été envoyé par l'adresse IP 182.180.112.194 (au Pakistan, mais ça on s'en fout un peu vu qu'il s'agit probablement d'une machine compromise) depuis une adresse gmail, visiblement spoofée en raison d'un en-tête SPF en "softfail" (signifiant que l'IP ayant envoyé l'e-mail n'est pas autorisée via les règles SPF à utiliser le domaine GMail, mais que le propriétaire du domaine le tolère). La pièce jointe est un document Word 2007+ d'environ 45ko :
Alors on peut évidemment aller droit au but et balancer le document dans notre sandbox préférée, voire sur VirusTotal, si l'on a pas de contraintes de confidentialité des données etc. Dans mon cas, il s'agit d'une boite mail perso, je n'ai pas de contraintes particulières. Dans le pire des cas, on peut calculer le hash du document, et le rechercher directement sur les sites mentionnés ci-dessus, comme ça, si l'on ne peut pas (pour diverses raisons) soumettre le fichier, on saura si des informations existent à son sujet.
Mais on peut aussi avoir envie de décortiquer un peu le document. Alors attention, l'analyse qui suit est loin d'être un modèle, mais certains y trouveront sûrement des informations intéressantes.
Un outil que j'ai découvert il n'y a pas si longtemps, c'est "mraptor" de la suite "oletools". Son verdict est immédiat :
On voir direct le gros "SUSPICIOUS" (qui ne se traduit pas par "SUSPICIEUX", mais "SUSPECT"), ainsi que les flags signifiant que la macro s'exécute dès l'ouverture du document (pour peu que les macros soient activées), que des données sont écrites sur le disque, et que la macro exécute un binaire.
D'ailleurs, intéressons nous davantage à cette macro. On va utiliser l'outil "olevba", toujours de la suite oletools :
Malgré plusieurs essais d'options du script, il n'a pas été en mesure de déchiffrer les chaines obfusquées. Ce n'est pas parce que c'est complexe, mais parce qu'il n'a pas été en mesure d'identifier le pattern et de les décoder. Ce n'est pas bien grave, ça se fait très facilement à la main. Avec le même outil, on obtient le code de la macro (juste au dessus du tableau). Au premier abord, le code de la macro ressemble à un set de fonctions de conversions d'unités de mesures diverses, comme par exemple des conversions de volumes, de pressions, etc. Puis on repère assez vite ce morceau de code (pas reproduit dans son intégralité) :
Evidémment, vu comme ça ça ne ressemble à rien. Juste une sorte de chaine de caractères comportant plusieurs valeurs numériques séparées par des caractères ressemblant à des guillemets, qui est splittée, vraissemblablement en prenant ces caractères comme séparateurs, afin de ne garder en sortie qu'un tableau d'entiers, qui ne correspondent pas à un charset connu. On regarde si "sOvetSPL" est utilisé ailleurs dans le code, pour voir quel traitement est fait sur ce tableau :
On a donc une itération sur chacun des entiers, divisé par 16, et converti ensuite en caractère. C'est vrai que si on regarde la gueule de la chaîne d'origine, on repère des patterns à l'oeil nu. Les premiers caractères évoquent assez facilement un "http://". Plutôt que faire chaque caractère à la main (vu la longueur de la chaîne obfusquée ça peut se faire cela dit), on va scripter ça :
On obtient donc une URL. Le reste de l'obfuscation est assez lourde à décortiquer, certaines informations étant obtenues depuis les fichiers embarqués dans le document, mais il est assez facile de déterminer qu'il s'agit d'une fonction effectuant le téléchargement du fichier présent à l'URL ci-dessus, et que ce fichier est par la suite exécuté. L'analyse de ce malware nécessiterait un post à part entière, mais sans surprises, il s'agit d'un ransomware, visiblement un bon vieux Locky :
Notons qu'il s'agit ici des seuls anti-virus qui détectent cette variante de Locky :-)
Autre point amusant vu sur Malwr, le malware refuse visiblement de s'exécuter sur une machine virtuelle. C'est bon à savoir pour ne pas se faire chiffrer ses données :-)
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